Saturday 2 April 2011

Élévation

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec un indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
—Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des chose muettes!

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Above the valleys, over rills and meres,
Above the mountains, woods, the oceans, clouds,
Beyond the sun, past all ethereal bounds,
Beyond the borders of the starry spheres,

My agile spirit, how you take your flight!
Like a strong swimmer swooning on the sea
You gaily plough the vast immensity
With manly, inexpressible delight.

Fly far above this morbid, vapourous place;
Go cleanse yourself in higher, finer air,
And drink up, like a pure, divine liqueur,
Bright fire, out of clear and limpid space.

Beyond ennui, past troubles and ordeals
That load our dim existence with their weight,
Happy the strong-winged man, who makes the great
Leap upward to the bright and peaceful fields!

The man whose thoughts, like larks, take to their wings
Each morning, freely speeding through the air,
—Who soars above this life, interpreter
Of flowers' speech, the voice of silent things!

-- C. Baudelaire

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